Telok Ayer Street est l’une des plus anciennes rues de Singapour. La rue était autrefois sur le littoral et les migrants arrivés par la mer y posaient pour la première fois le pied à Singapour. Aujourd’hui, les projets de récupération sur la mer ont poussé le littoral plus loin, mais le lieu et les traces historiques sont restés.
En tant que point de débarquement pour les immigrants, les premières communautés ont construit leurs lieux de culte respectifs dans cette rue (face au front de mer) afin d’exprimer leur gratitude à leurs divinités pour leur arrivée, sain et sauf, après un dur et long voyage. Bien que le quartier de Telok Ayer ait été attribué à la communauté chinoise selon le plan de la ville de Jackson en 1822, l’emplacement de ces lieux de culte a fait Telok Ayer un espace multiculturel où les différentes communautés ont coexisté.
Certains lieux de culte ont été classés ‘Monuments nationaux’. En fait, Telok Ayer est la rue ayant le plus de monuments nationaux, ils sont au nombre de six.
Les monuments nationaux de Telok Ayer Street
- Ying Fo Fui Kun, 98 Telok Ayer Street
C’est la maison de la plus ancienne association de Singapour, celle du clan hakka. Elle a été fondée en 1822 pour les besoins de la communauté hakka venant de la province du Guangdong en Chine. Le bâtiment lui-même a été construit en 1844 et a servi de temple au départ. Les Hakkas étaient l’un des cinq principaux groupes de dialecte chinois à Singapour, les autres étant les Hokkiens, les Teochews, les Cantonais, et les Hainanais. La plupart des Hakkas étaient des bûcherons, des charpentiers, des forgerons ou bien des orfèvres.
- Le centre Nagore Dargah pour le patrimoine musulman-indien, 140 Telok Ayer Street
Ce bâtiment visuellement très particulier, a été construit en 1830 par les immigrants Chulias. Les Chulias[2] étaient principalement des commerçants et des changeurs de monnaie. Beaucoup d’entre eux étaient musulmans et des dévots du prédicateur soufi tamoul Shahul Hamid, originaire d’une ville du Tamil Nadu : Nagore. Le sanctuaire lui est dédié. Depuis 2011, il abrite le ‘Nagore Dargah Indian Muslim Heritage Centre’, qui documente l’histoire des musulmans indiens et leurs nombreuses contributions à Singapour.
- Yu Huang Gong, ou temple de l’empereur céleste de jade, 150 Telok Ayer Street
Cet ancien bâtiment abritait l’association Keng Teck Whay, créée par 36 marchands peranakans en 1831. Il témoigne de la présence et des contributions des Hokkiens peranakans dans la colonie de Singapour et de l’esprit communautaire d’entraide entre les pionniers. Aujourd’hui c’est un temple taoïste en l’honneur de la plus haute divinité du taoïsme, l’empereur céleste de jade. Le bâtiment a été rénové et le temple a officiellement ouvert ses portes au public en janvier 2015.
- Le temple Thian Hock Keng, 158 Telok Ayer Street
Thian Hock Keng (天 福 宫, « Palais du bonheur céleste ») est l’un des plus anciens temples hokkien à Singapour. Le temple demeure un lieu de culte important pour les bouddhistes et les taoïstes chinois locaux. Entre 1998 et 2000, Thian Hock Keng a subi une restauration majeure qui lui a valu une mention honorable de la part de l’UNESCO en 2001 pour la conservation du patrimoine culturel.
- La mosquée Al-Abrar, 192 Telok Ayer Street
La mosquée d’Al-Abrar établie dès 1827 était au départ une cabane de chaume. Elle est également connue sous le nom de Masjid[3] Chulia, pour les musulmans indiens de la côte de Coromandel du sud de l’Inde. La mosquée n’était pas seulement leur refuge spirituel, mais aussi un lieu social où la communauté pouvait se retrouver. La construction de la mosquée actuelle en brique a commencé en 1850. La mosquée a été rénovée entre 1986 et 1989. Ces développements permettent à la mosquée de pouvoir accueillir aujourd’hui jusqu’à 800 fidèles à la fois.
- L’église méthodiste chinoise, 235 Telok Ayer Street
Les débuts de l’église méthodiste à Singapour peuvent être attribués à l’arrivée des premiers missionnaires méthodistes à Singapour, William Oldham et James Thoburn, en 1885.
Initialement fondée en 1889 dans la clinique d’une maison-boutique, l’église a déménagé à Telok Ayer en 1925. Au cours de ses premières années, l’église Telok Ayer a assuré le bien-être de ses paroissiens, notamment en aidant les analphabètes à écrire des lettres à leurs familles en Chine. Un toit de pavillon de style chinois est placé au-dessus du bâtiment qui accueille une congrégation en grande partie chinoise. Les murs sont très épais car ils ont été renforcés pendant la Seconde Guerre mondiale, quand l’église servit de refuge. Les murs protégeaient ceux qui se trouvaient à l’intérieur des balles perdues et des éclats d’obus.
Telok Ayer n’est pas unique, il existe de nombreuses rues à Singapour où l’harmonie religieuse s’exprime visuellement dans les monuments et les lieux de culte: Waterloo Street, South Bridge Road, etc… Je vous y emmènerai sans doute un de ces jours…
[1] Cet article s’inspire de celui publié ici en anglais : Telok Ayer: Street of Diversity
[2] Ce terme est apparu dans les registres anglais de la British East India Company, pour designer les Indiens de la côte de Coromandel du Sud de l’Inde.
[3] Mosquée en malais